Oppenheimer, ses autres apports à la physique moderne
Ro | Publié le |
Connu pour son implication dans l’élaboration de la première bombe atomique, Robert Oppenheimer a apporté bien plus à la physique théorique. Retour sur ses autres recherches ici.
En septembre dernier, nous avons appris que l’un des prochains long-métrages du célèbre réalisateur Christopher Nolan allait être un biopic sur le physicien américain Robert Oppenheimer. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais ce dernier est l’un des plus grands physiciens du XXe siècle. Les plus calés d’entre vous connaîtront sans doute toutes ses découvertes, théories et influences sur la physique moderne. Pour les plus néophytes, c’est sans doute pour son implication dans le projet Manhattan que vous connaissez son nom. Le projet en question, est le nom donné au programme américain destiné à concevoir la première bombe atomique lors de la Seconde Guerre mondiale. Du fait de ses connaissances en physique atomique, Robert Oppenheimer y joue un rôle éminent à tel point que même encore aujourd’hui lui survit le nom de “père de la bombe atomique”.
Une grande distinction, officieuse à l’époque, dépeinte aujourd’hui par le recul et la conscience collective de ce que sont les armes atomiques. Une œuvre qui “noircit” un peu l’image qu’a le grand public de “Oppie”. Pourtant, il est l’un des plus grands physiciens théoriciens de l’histoire, responsable d’avancées que l’on considère comme acquis et banal aujourd’hui. Si il a été recruté sur un projet aussi important que la conception d’une arme atomique, c’est bien qu’il en avait des connaissances sur les atomes. Aujourd’hui, c’est de toute l’œuvre méconnue du grand public que nous allons parler.
Robert Oppenheimer en (très) bref :
Julius Robert Oppenheimer de son nom complet, est né en 1904 aux Etats Unis. Enfant d’une famille fortunée, il reçoit une très bonne éducation lui permettant de maîtriser plusieurs langues assez tôt. À partir du doctorat, il effectua ses études à l’université de Cambridge, dans un laboratoire connu pour ses recherches en physique atomique et nucléaire. Il y prend goût à la physique théorique. Une fois ses études postdoctorales terminées, il retourne aux États-Unis en 1929.
Au début des années 1930, Oppenheimer veut fonder une école de physique théorique. C’est ce qu’il va faire à l’université de Californie à Berkeley. Mais deux problèmes s’opposent à lui. À son époque, la physique théorique se passe très majoritairement en Europe. De plus, elle est très minoritaire par rapport à la physique expérimentale. Deux problèmes qui vont disparaître à cause de la situation outre-Atlantique. En effet, la montée du nazisme dans les années 30 va conduire à un exode de nombreux physiciens en Amérique, fuyant un contexte d’avant-guerre extrêmement compliqué. L’émergence de la physique quantique va aussi équilibrer les forces entre physique théorique et expérimentale. Oppie va ainsi travailler la majeure partie de sa vie à Berkeley, à l’université de Californie, aujourd’hui extrêmement reconnue pour sa place dans le monde de la physique et de la chimie.
Les autres travaux d'Oppie
On l’a dit, Oppenheimer est très majoritairement connu pour son implication dans la conception de la bombe nucléaire, mais ce n’est pas son seul apport à la physique, loin de là. On va revenir ici sur ses plus grandes œuvres.
il est à l'origine du Positron ...
En mars 1930, Oppenheimer corrige Paul Dirac dans la résolution de son équation (Équation de Dirac). Il propose une solution théorique à son équation, menant deux ans plus tard à sa résolution grâce à la découverte du positron par Carl David Anderson dans ses travaux sur les rayons cosmiques. Le positron est l’antiparticule de l’électron, dont l’existence avait été prédite par Oppenheimer dans une lettre aux éditeurs de Physical Review. Ainsi, sous l’impulsion du physicien américain, Paul Dirac vérifie son équation et ouvre un nouveau champ de la physique : la physique des particules.
... Et du neutron
En 1931, on pense que les noyaux d’atomes ne sont composés que de protons et d’électrons. Oppenheimer publie un article démontrant que les modèles de l’époque ne fonctionnent pas pour le noyau de l’atome d’azote. Selon les théories, ce dernier ne devrait pas avoir d’électrons. Des recherches vont alors être menées et l’année suivante, James Chadwick démontre l’existence du neutron. Le modèle moderne de la structure des noyaux d’atomes encore utilisé aujourd’hui est ainsi né, avec ses noyaux composés de protons et de neutrons.
il étudit la Radioactivité
En 1935, il explique comment certains éléments chimiques deviennent radioactifs. Les deutérons, noyaux de l’isotope de l’hydrogène, sont composés d’un proton et d’un neutron. Lorsque l’on bombarde un élément chimique d’un deutéron, les forces en présence repoussent le proton. Le neutron, quant à lui, est neutre et est ainsi capturé par le noyau de l’élément, devenant radioactif.
Ses travaux sur les particules et noyaux atomiques sont reconnus aujourd’hui comme de grandes avancées pour la physique. À l’époque, cela lui vaudra d’être l’un de ceux qui mettront au point l’arme atomique lors du projet Manhattan. Mais il n’a pas travaillé que sur les atomes, et a aussi utilisé ses compétences pour se tourner vers les étoiles.
Il s'attaque aux étoiles à neutrons
De son temps, les étoiles à neutrons étaient envisagées, mais pas confirmées. Ce n’était encore que des objets théoriques que l’humanité n’avait pas observés. Oppenheimer décide tout de même de s’intéresser à ses objets. Il calcule notamment la densité de ce type d’étoile, de l’ordre de 10^14 à 10^16 g/cm3.
Prenez un objet de la taille d’une bille. Cette bille pèserait environ un milliard de tonnes. Cela équivaut à un peu moins de 7 milliards de baleines bleues dans la taille d’une bille. Le résultat exact sera un très légèrement affiné par la suite, mais l’existence de telles étoiles sera bel et bien confirmée en 1967 lorsque Bell et Hewish découvriront les pulsars.
Mais aussi aux trous noirs
Dans les années 1910, Karl Schwarzschild travaille sur les équations gravitationnelles d’Einstein. Il pose les bases mathématiques de singularité gravitationnelle. En 1939, Oppenheimer travaille sur l’effondrement gravitationnel des étoiles. Il démontre que lorsque l’étoile a épuisé ses ressources thermonucléaires, le rayon de celle-ci diminue. La lumière de l’étoile vire ainsi au rouge. Si le rayon de l’étoile rétrécit en dessous du rayon de Schwarzschild, les rayons lumineux de celles-ci ne peuvent plus nous atteindre, bloqués par la courbure de l’espace formé par l’étoile elle-même.
Le rayon de Schwarzschild est un rayon théorique propre à chaque objet. Si le rayon de cet objet devient inférieur au rayon de Schwarzschild de cet objet, alors cet objet devient un trou noir, dont l’horizon correspond au rayon de Schwarzschild.
Si Karl Schwarzschild spécule mathématiquement de tels phénomènes, Oppenheimer lui prédit le fait qu’ils puissent réellement exister dans l’univers. C’est un immense pas en avant pour l’astrophysique, car ces théories sont révolutionnaires pour l’époque. Cependant, Oppenheimer et Hartland Snyder publient ces recherches un certain 1er septembre 1939, jour où l’Allemagne envahit la Pologne. Ainsi, le physicien ne profite que de très peu de visibilité. Ce n’est que dans la deuxième moitié du siècle que ses travaux seront réétudiés et confirmés. En effet, la première observation d’un candidat possible pour être un trou noir se fera en 1971, la confirmation de leur existence sera en 2016 avec la détection d’ondes gravitationnelles et en 2019 avec la première photographie de ces objets qui alimentent sciences et fantaisies depuis des décennies.
Julius Robert Oppenheimer est aujourd’hui dépeint comme le “père de la bombe atomique”. Un surnom pas totalement vrai, mais pas totalement faux non plus. Cependant, il ne lui rend pas justice, pour son apport à la physique de son époque et à celle actuelle. Il a énormément apporté à la communauté scientifique et à l’université de Californie, à travers des articles et des recherches qui ont posé les bases des champs de recherches de la deuxième moitié du XXe et du début du XXIe siècle.
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