Nevada Tan : retour sur le succès éphémère des Linkin Park allemands [FLASHBACK]
Shishi | Publié le |
Il y a une quinzaine d’années sortait un album dont 99% d’entre vous ne connaissent même pas l’existence. Aujourd’hui, c’est l’heure pour moi de vous partager ce souvenir.
Derrière ce titre d’article un poil putassier se cache en réalité une grande part de vérité. Pour être sincère avec vous, il a le rôle d’attirer votre œil sur ce papier musical. Le premier d’une longue série sur Swtch. Si mon titre avait été “Laissez-moi vous parler de Niemand Hört Dich”, il y a peu de chances que cela ait déclenché quelque chose en vous. Mais commençons par le commencement.
Nevada Tan, c'est qui ?
Nevada Tan est un groupe de musique (également connu sous le nom de Panik) originaire du nord de l’Allemagne. Ce qui est déjà une première explication sur le fait que vous ne les connaissiez sans doute pas. Le groupe a “officié” sous ce nom entre 2007 et 2008. Ce qui est une seconde explication, car si Internet commençait à se démocratiser, on était encore loin de l’âge d’or des réseaux sociaux et MySpace faisait office de précurseur.
Le groupe de musique ne vous dit sans doute rien, mais le nom de « Nevada Tan » vous est peut-être un peu plus familier. Si vous êtes habitués aux faits divers par exemple. C’est en effet le “nom de code” qui a été donné à une jeune fille japonaise de 12 ans qui a assassiné une de ses camarades de classe en 2004. Souvent interrogés sur le choix de ce nom, les membres du groupe ont bien évidemment expliqué qu’il ne s’agissait en aucun cas de rendre hommage à ce meurtre. Bien au contraire, le but était de dénoncer la pression sociale, scolaire. Mais aussi d’autres exigences surdimensionnées imposées aux enfants japonais. Pressions qui ont visiblement été à l’origine du meurtre de la jeune Satomi Mitarai.
Nevada Tan, c'est quoi ?
Nevada Tan est un groupe qui peut rentrer dans de nombreuses cases musicales assez en vogue à l’époque. Rock alternatif, rap rock ou le très connu “néo métal”. Un terme un peu fourre-tout pour de très nombreux groupes des années 2000. Moment parfait pour faire un premier écho à mon titre : si j’ai autant aimé Nevada Tan, c’est que j’ai littéralement retrouvé chez eux, ce qui m’a fait aimer Linkin Park.
Passons donc aux présentations des différents membres du groupe :
– Timo Sonnenschein – MC, chant et de temps à autre guitare (retrouvez ici Mike Shinoda, le piano en moins)
– David Bonk – guitare, piano (retrouvez ici Brad Delson, le piano en plus)
– Frank Ziegler – chant (retrouvez ici feu Chester Bennington)
– Christian Linke – basse (retrouvez ici Dave “Phoenix” Farrell)
– Juri Schewe – batterie (retrouvez ici Rob Bourdon)
– Jan Werner – DJ (retrouvez ici Joe Hahn)
En termes de structure, d’incarnation et de répartition des rôles dans le groupe, nous avons donc déjà une sacrée similitude qui a sans doute joué un rôle inconscient dans mon attachement pour Nevada Tan. Étant un très très grand fan de Mike Shinoda, qui est toujours à ce jour un de mes artistes préférés de tous les temps, j’ai rapidement (et naturellement) porté mon attention sur Timo, qui incarnait le côté rap/MC du groupe, dont il compose d’ailleurs les fondations avec David Bonk.
Côté look, nous avons un peu de tout. En commençant par le MC fortement influencé par le streetwear des USA et portant par exemple le maillot des Spurs de David Robinson, en passant par un look un peu plus « branché » du chanteur, un out-fit entièrement noir pour le guitariste ou encore un DJ qui ne performe que cagoulé et qui apparait vêtu de la sorte dans les différents clips du groupe.
Je vais être honnête concernant l’instrumental : il n’y a rien d’exceptionnel et de comparable aux grandes stars du rock. (Les batteur, guitariste et autre bassiste du groupe sont très bons dans ce qu’ils font et proposent, chacun de leur côté. C’est cependant et surtout dans l’harmonie collective qui reprend les codes de l’époque qu’on s’immerge réellement.) Des riffs de guitare assez agressifs et pas vraiment techniques, des enchaînements de percussions qui rythment les morceaux dynamiques et nous accompagnent sur les morceaux plus doux, la basse qui vient pénétrer plus en profondeur et les fameux scratchs du DJ qui amènent cette petite valeur ajoutée et la touche rap.
Concernant les paroles et les propos véhiculés par le groupe, les sujets qu’ils abordent, nous y reviendrons un peu plus tard !
De gauche à droite : Jan, Christian, Frank, Juri, David et Timo
mon nevada tan à moi
Ayant grandi à Haguenau (en Alsace) pendant mes 25 premières années de vie et étant à une grosse dizaine de kilomètres de l’Allemagne, croyez bien qu’il était pour moi beaucoup plus simple d’avoir accès à la musique de là-bas qu’une personne habitant à Bordeaux ou en Bretagne et ce à une époque où, je me répète, Internet et les réseaux sociaux n’en étaient qu’à leur début.
En 2005, j’ai donc pu découvrir Tokio Hotel avant que ce raz de marée inonde la France quelques mois/années plus tard. Ma curiosité pour ce genre de musique allemande s’est donc développée (via la radio dans un premier temps) et j’ai par la suite découvert Killerpilze et surtout… Nevada Tan. Pour vous faire une confidence, j’avais également monté un petit blog à l’époque pour justement parler de Nevada Tan aux français, en traduisant nombreux articles qui commençaient à foisonner dans des médias allemands.
Empruntant la route pavée par Tokio Hotel qui a permis à de nombreux groupes allemands de percer “plus que prévu”, Nevada Tan commence donc à faire son petit bonhomme de chemin et c’est leur premier single « Revolution » qui leur permettra d’installer leur nom dans la sphère musicale, au début de l’année 2007.
La machine est officiellement lancée, les premiers sons commencent à s’enchaîner et le 20 avril 2007 sort officiellement leur premier (et seul) album sous le nom de Nevada Tan.
Niemand hört dich : la consécration
Nous y sommes enfin, le premier et plus qu’attendu album de Nevada Tan, Niemand hört dich est disponible et c’est en Allemagne (vu que c’est à 15 minutes de route) que je vais le chercher, ne sachant pas s’il sortait en France en même temps. Nous avons droit à 12 titres (on se contentait de peu à l’époque) pour un peu moins de ¾ d’heure de contenu musical. Album qui commence par le fameux son « Revolution« , devenu l’hymne du groupe.
Si je vous ai plus tôt dans ce papier, parlé brièvement du côté instrumental de Nevada Tan, il est à présent l’heure de rentrer dans le vif du sujet : les paroles, les sujets traités et les messages que le groupe essaye de faire passer.
Coupons court pour ne pas faire monter un suspens insoutenable (et surtout illégitime). Les paroles font grandement écho aux paroles qu’on pouvait par exemple retrouver chez Linkin Park à leur début, les membres des deux groupes ayant à peu près le même âge au moment de la sortie de leur premier projet. Étant encore en pleine adolescence (elle a duré très longtemps pour moi), je me suis bien sûr retrouvé dans les sujets abordés, avec parfois la sensation bizarre que certaines lignes de texte avaient été écrites par rapport à mon vécu. Mais laissez-moi vous présenter les différentes chansons en quelques lignes :
- « Revolution » fait la part belle à la nouvelle génération qui veut s’affirmer, qui ne veut pas être mise dans des cases, qui ne veut pas être infantilisée. Une sorte d’hymne à l’émancipation si l’on pourrait qualifier le morceau ainsi.
- « So wie du » (Comme toi) décrit la relation conflictuelle que l’on peut avoir avec un de ses parents. Ici, c’est un père qui ne cesse de commettre des erreurs et qui a quand même le culot de continuer de donner des conseils/imposer une vision à son fils.
- « Neustart » (Nouveau départ) décrit comme son nom l’indique, l’envie de prendre un nouveau départ, de tout quitter, de reprendre à zéro. Si les paroles sont tournées de sorte à ce que l’on comprenne qu’il s’agit d’une relation amoureuse, les propos peuvent faire écho à d’autres sujets.
- « Vorbei » (Devant) pourrait être qualifiée de suite directe à « Neustart ». On parle du temps qui a passé, des rêves brisés, des chemins divergents et de la fatalité d’une séparation, pour aller de l’avant.
- « Niemand hört dich » (Personne ne t’entend) est un hymne à la solitude, sujet très récurrent chez les adolescents. Des appels à l’aide non-entendus, des pressions dont on n’arrive pas à se débarrasser, du mal-être scolaire et de la perte d’espoir.
- « Warum » (Pourquoi) aborde un sujet plus que délicat, mais malheureusement toujours d’actualité, surtout chez les jeunes : le suicide. Une envie de suicide provoquée par du harcèlement scolaire, par une solitude exacerbée et par le fait d’être dans l’impossibilité de communiquer.
- « Wie es ist » (C’est comme ça) parle de relation amoureuse, de l’attachement extrême que l’on peut avoir à une autre personne, de la dépendance qui peut en découler.
- « Alles endet hier » (Tout s’arrête ici) fait un peu écho à la chanson « Vorbei », en abordant les mêmes thèmes, les visions différentes dans un couple et une fois de plus, la fatalité.
- « Dein Echo » (Ton Écho) aborde les thèmes de la nostalgie/mélancolie, sous fond de tristesse et de pensées suicidaires.
- « Himmel hilf » (L’aide du ciel) parle des problèmes relationnels, des dissensions qu’il peut y avoir entre deux personnes et des doutes qui en découlent.
- « Geht Ab » (Pars) fait un peu écho à « Neustart », et parle de prendre un nouveau départ, de commencer une nouvelle vie, de ne pas se morfondre parce qu’on ne vit qu’une fois.
- « Ein Neuer Tag » (Un nouveau jour) parle de la douleur, de l’incompréhension ou encore la solitude qu’on éprouve face au décès d’un être aimé.
Vous l’aurez compris, ce ne sont pas les sujets les plus gais qui sont abordés dans cet album de Nevada Tan, mais des sujets qui touchent les adolescents. Des textes qui ont pour but d’aider des personnes qui ont peut-être du mal à mettre des mots sur des maux et qui, grâce à ces textes, se sentent moins seuls. Contrebalancés par des mélodies puissantes (quelle que soit l’émotion à faire passer), les différents morceaux ne vous mettront cependant pas plus au fond que vous ne l’êtes peut-être, bien au contraire.
Revolution à la laiterie
Le dimanche 21 octobre 2007, soit 6 mois et un petit jour après la sortie de l’album, il était enfin l’heure pour moi d’assister à un concert de Nevada Tan. J’avais hésité à faire une date en Allemagne pendant l’été, mais il était quand même plus simple d’attendre qu’ils passent à Strasbourg, une des rares dates faites en France cette année-là.
Voilà le groupe qui débarque donc à La Laiterie, petite salle de concert d’environ 900 places, pour un concert intimiste. Les meilleurs concerts à mon goût. Quand les artistes que vous allez voir en live sont littéralement à un mètre de vous si vous êtes au premier rang, cela ajoute une autre dimension de « vécu » et j’ai eu la chance (et aussi la détermination d’arriver tôt sur place) de pouvoir justement vivre ce concert collé à la rambarde, elle même collée directement à la scène.
Une sorte de « boucle bouclée », car je mets un point d’honneur à aller voir les artistes qui me sont très chers en concert, quand cela est possible (même si cela est bien sûr plus difficile aujourd’hui, tant l’offre est quasi-illimitée avec les plateformes de streaming). De mémoire, même si la nostalgie joue pas mal en écrivant ces lignes, c’est un des meilleurs concerts que j’ai fait dans ma vie (sur une vingtaine en tout), car l’énergie, l’émotion et bien évidemment, la proximité, étaient de mise.
Retour à la panik
Vous l’aurez compris, Nevada Tan a grandement fait partie de mon année 2007, du début à la fin. Le groupe va connaître un premier tournant important en début d’année 2008 : le retour au nom de Panik, suite à des problèmes de producteurs/managers (je vous passe les détails). Quelques jours plus tard à peine, le groupe sort son premier single sous son nouveau nom : « Was würdest du tun ».
Accompagné d’un clip, ce premier morceau annonce bien évidemment un second album (sobrement intitulé Panik), qui ne sortira au final… qu’un 1 an et demi plus tard, le 25 septembre 2009. Album que je n’ai personnellement écouté qu’une poignée de fois et dont aujourd’hui, je ne me souviens que d’un seul et unique titre, le fameux « Was würdest du tun« . Un peu plus d’un mois après la sortie de l’album, le groupe annonce sa dissolution, le 11 novembre 2009.
Si Timo & David (amis depuis la maternelle) continueront de travailler ensemble, en sortant notamment, avec Franky, le morceau clipé « Ausnahmezustand » sous le nom de Zorkkk le 28 avril 2016, le reste des membres ne fera pas publiquement parler d’eux jusqu’en 2017 ou à l’occasion des 10 ans de Nevada Tan/Panik, le groupe au complet (à part Linke) donnera un concert à Hambourg, en Allemagne. Show qui selon toute vraisemblance, a été la dernière occasion de voir le groupe jouer ensemble.
+44 minutes
Étant de nature mélancolique et nostalgique, écrire ce papier sur Nevada Tan m’a permis, le temps de quelques jours, de revenir à une période bien précise de mon adolescence. Mais ces quelques lignes ont également comme but d’attirer votre attention, de piquer votre curiosité musicale et, je l’espère, consacrer 44 minutes de votre temps à l’écoute de l’album Niemand hört dich. Vous faites peut-être partie comme moi de ces personnes qui ont grandi avec cet univers « rap/rock », qu’il soit en français, en anglais ou en toute autre langue, Nevada Tan devrait vous plaire, même si vous n’écoutez plus le même style de musique aujourd’hui qu’il y a 10-15 ans.
Vous ne risquez certes pas de comprendre les paroles en allemand, mais la musique et les différentes mélodies vous parleront à coup sûr et vous feront sans doute repartir dans le passé pendant un peu moins d’une heure. Si vous voulez avoir un aperçu un peu plus rapide, je vous conseille les morceaux « Revolution », « Neustart », « Niemand hört dich » et surtout « Ein Neuer Tag ».
Si je ne crois pas forcément aux coïncidences, force est de constater qu’une assez cocasse s’est produite durant les quelques jours que j’ai pris pour écrire cet article. En effet, Nevada Tan a décidé de rendre disponible sur Spotify, les versions live du « Nevada Tan Live Reunion », plus de quatre ans après ce fameux concert.
Un signe du destin sans doute.
3 commentaires
Trop marrant je parlais de ce groupe à une pote la semaine dernière, suite à une conversation honteuse sur les années Tokio Hotel & musiques du collège/lycée.
Du coup entre ça et cet article ça m’a donné envie de réécouter l’album.
J’avais ramené ça de la radio allemande lors d’un séjour là bas, ça m’avait surement tapé dans l’oeil (ou l’oreille je sais pas) vu que je suis un grand fan de Meteora depuis sa sortie, ainsi que de Tokio Hotel (il me semble que les producteurs sont les mêmes).
Ca sonne encore plutôt bien, même si c’est très ancré dans ce son bizarre du rock/metal des années 2000 (trop de basses. J’en suis étonné parce que le premier album de Tokio Hotel a pour moi très mal passé l’épreuve du temps (et même la nostalgie ne la contrebalance pas).
Y a quand même quelques trucs qui je supporte plus (oui je parle de vous les violons MIDI dégueulasses de Revolution), mais globalement je suis surpris par la qualité de l’album, finalement le moi de 14-15 piges avait déjà bon gout ^^
Quel plaisir de lire ce genre de commentaire ! Depuis que j’ai publié ce papier, j’vois en réalité qu’on est beaucoup plus qu’une petite poignée à connaître Nevada Tan et surtout à avoir écouté à l’époque. J’vois qu’on a du coup eu la même « cheminement » qui nous a amené à ce groupe, comme quoi !
Et j’me suis fait la même réflexion lors de mes réécoutes de cette année : ça a globalement bien vieilli, même si c’est marqué au fer rouge de l’époque comme tu le soulignes.