Astérix et Obélix : L’Empire du milieu , l’avocat du diable
Aelred | Publié le |
Ça fait maintenant presque deux semaines qu’Astérix et Obélix : L’Empire du milieu est sorti au cinéma. C’est-à-dire que tout le monde a eu le temps de voir qu’il est raté, ou bien d’être convaincu de ne pas aller le voir. Pourtant, très naïvement, j’en attendais du bien, même après avoir lu les premières critiques. Peut-être pas un chef-d’œuvre, mais un film tout du moins correct. Plein d’affection pour cette tentative ratée d’adapter Astérix sur grand écran, je vais faire l’avocat du diable. Je vais parler des quelques points qui, selon moi, ont été mieux réussi que ce que la critique a dit. Et je finirai sur pourquoi cette adaptation ne pouvait pas réussir.
Gilles Lellouche en Obélix
La plupart des personnages sont finalement bien compris (sauf Astérix, là c’est une horreur), mais je fais un focus sur Obélix, que l’on critique de manière injustifiée. J’ai trouvé que Gilles Lellouche a fait un très bon Obélix. Gérard Depardieu a porté à bout de bras les deux derniers épisodes. Il a fait une telle impression avec les quatre premiers films, que faire mieux semblait impossible. Mais pourtant, l’Obélix de Gilles Lellouche a proposé une version différente, et très correcte du personnage.
Obélix, dans la BD
Bon, c’est quoi un bon Obélix ? En me basant sur les BD, je peux dire qu’Obélix n’est pas très mature, plutôt rancunier et comme tous les gaulois, s’emporte dans des colères pour pas grand chose. Par contre, il adore rigoler avec les copains. C’est un bon vivant généreux et innocent, qui pardonnera toujours à ses amis parce qu’au fond, les amis, c’est ça qui compte. Il est très timide et gaffeur lorsqu’il est amoureux. Il a l’air inoffensif, d’où un effet comique lorsqu’il se bat. Comme chacun sait il est tombé dans la marmite de potion magique quand il était petit, lui donnant les effets de la potion de manière permanente.
Si on devait résumer son caractère en une phrase, ça serait celle-là : « Obélix a gardé le même caractère qu’il avait lorsqu’il est tombé dans la marmite de potion magique : un gamin de 10 ans dans un corps d’adulte. »
Je trouve qu’Obélix-Lellouche reprend point par point tous ces éléments, ce qu’Obélix-Depardieu réussit finalement moins bien. Le très-réussi-Obélix-Depardieu me semble plus innocent que gamin. Nuance fine pour deux incarnations qui à mes yeux méritent d’être complimentées.
Bon par contre je ne peux pas laisser passer le Astérix de Guillaume Canet, qui est raté au possible. Astérix est sensé être un héros et ne perd jamais son sang froid plus d’une seconde. Dans le film, je ne me souviens pas d’une seule fois où il a l’air de savoir ce qu’il fait. Il ne débloque jamais la situation avec sa plus grande force : être très malin. Et c’est assez bizarre d’avoir autant réussi à capter l’ambiance du village et les caractères des personnages redondants, sauf pour le plus important de tous.
Des caméos à outrance ?
L’un des éléments largement mis en avant par le marketing du film, c’est son casting. Il n’y a pas tant de vrais acteurs talentueux, mais il y a un nombre impressionnant de caméos. Ça a donné lieu à une critique facile et tout à fait justifiée. Effectivement, on a l’impression de voir la bande de pote de Guillaume Canet. Ils passent à l’écran, font une auto-référence et basta.
Mais il y a deux points que tout le monde à l’air d’avoir oublié !
Les caricatures de la BD
Alors c’est plus dûr de les reconnaître maintenant, parce que la plupart des albums ont plus de 20 ans, mais ils sont bien là ! Acteurs (Lino Ventura, Arnold Schwarzenegger, etc), chanteurs (les Beatles, Annie Cordy, etc.) hommes politiques (Otto Von Bismarck, Jacques Chirac, Mussolini, etc.), les auteurs et leurs potes (Goscinny, Uderzo, Pierre Tchernia, etc.). La page wikipedia (qui n’est elle-même pas complète à ce sujet) en décompte déjà plus de 60, en plus d’une vingtaine de référence pop-culture tels que Don Quichotte ou le Marsupilami.
Du coup, faire des caméos dans un film ne me semble pas être une atteinte à l’œuvre originale : Goscinny adorerait ça. D’ailleurs, on pourrait dire la même chose avec les autres films d’Astérix, en particulier celui que tout le monde adore.
Alain Chabat a aussi ramené sa bande de pote
Alors Alain Chabat l’a bien mieux réussi, on est d’accord, notamment parce que les caméos sont beaucoup moins lourdingues. Mais, on a la preuve par l’exemple qu’il est possible de ramener sa bande de potes dans un film sans le pourrir. En fait, ce qui pose problème c’est qu’un caméo doit être discret pour être amusant. On doit le remarquer si on est attentif. Dans Astérix et Obélix : L’empire du milieu, chaque caméo a le droit à sa petite blague forcée et longue, si longue qu’on perd tout amusement. Du coup c’est dur d’être drôle pendant 5 secondes avec une seule blague nulle ! Ainsi, la faute revient aux scénaristes, mais pas aux caméos.
Tout ça pour dire que les caméos ne sont pas un problème, car ils font partie de l’essence même de la licence. Là où il y a un vrai souci, c’est sur l’humour du film, qui est bien plus adapté à une BD qu’à un film. (sauf les blagues sur les asiatiques. Elles, elles étaient juste gênantes au possible) D’ailleurs je pense que c’est le plus gros défaut du film, même s’il part d’une bonne intention.
Coller à la BD, la fausse bonne idée
Astérix et Obélix : L’empire du milieu colle particulièrement bien à l’univers de la BD, dont il reprend tous les codes. Assurancetourix, Abraracourcix qui se fait mener à la baguette par Bonemine, le village qui est une reproduction fidèle, etc., tous les running-gag de la BD sont là.
En fait, c’est peut-être le meilleur film Astérix au sens adaptation. C’est un peu le seul qui colle autant à l’univers de la BD, alors même que l’histoire est originale ! Mission Cléopâtre est un film des nuls dans l’univers d’Astérix. Contre César est un film d’aventure dans l’univers d’Astérix. Par contre, l’Empire du milieu, lui, est vraiment un film d’Astérix. Ça n’en rend pas le film meilleur, mais je note la volonté.
Du coup donc je disais, cette reprise de l’univers n’a pas marché. L’humour d’une BD et d’un film est très différent ! C’est pour ça que je pense qu’essayer de calquer une BD d’Astérix dans un film à prise de vue réelle, c’est juste une mauvaise piste. Or, Astérix est une BD humoristique, il y a des blagues à chaque page, on ne peut pas passer à côté.
La solution pour le futur d'Astérix et Obélix
Ainsi on a deux choix possibles.
- Soit on se détache de la BD pour faire son propre humour, comme l’a brillamment fait Alain Chabat avec Mission Cléopâtre.
- Soit on se détache du format film pour faire comme Alexandre Astier avec les films d’animations Astérix. De cette manière, l’humour de BD peut s’autoriser une place importante, parce qu’un film d’animation se rythme bien plus facilement.
Si je résume, le vrai défaut d’Astérix et Obélix : L’Empire du milieu, c’est d’avoir voulu trop bien faire. En composant avec des contraintes d’humour d’un autre média, il est tout simplement impossible de faire un vrai film d’Astérix drôle. D’ailleurs, le seul film Astérix a avoir une bonne note, c’est Mission Cléopâtre (4,1 sur Allociné), là où tous les autres sont sous la moyenne. (Contre César : 2,1 ; Jeux Olympiques : 1,4 ; Au service de sa majesté : 1,7 ; L’empire du milieu : 1,8)
Au final, L’empire du Milieu n’est pas plus nul que les autres…
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