Anecdote : John Lennon piège les professeurs dans I am the walrus
Aelred | Publié le |
Je pense qu’on a tous déjà été énervé par un prof de français qui trouvait un sens incompréhensible aux textes qu’il faisait travailler. Quelque chose comme « Huhuuumm… cette rime à l’hémistiche révèle… TOUT le mal-être de Baudelaire. C’est évident… ». Pendant ce temps, j’imaginais que l’auteur en question ouvre la porte de la classe et qu’il fasse taire le prof. « La rime à l’hémistiche ? C’est un hasard… pour exprimer mon spleen je préfère une anacoluthe, vous ne le saviez pas ? Après c’est dur de capter des trucs que j’ai écris bourré… ». Le prof bégaie, les élèves rient, Baudelaire me serre la main, la sonnerie retentit et tout le monde part en récré. Et bien figurez-vous que depuis tout ce temps, John Lennon, le principal leader des Beatles, nous avait déjà vengé. Laissez-moi vous raconter cette anecdote sur le chanteur mythique. Il s’agit de celle de « I am the walrus », la chanson que John Lennon a écrite dans le seul but de piéger les professeurs d’anglais.
La genèse de « I am the Walrus »
Tout commence le jour où John reçoit une lettre d’un élève de son ancien bahut. Ce fan lui explique que son professeur d’anglais fait étudier les paroles des Beatles. Lennon s’amuse alors à faire une chanson intentionnellement sans aucun sens, juste pour se payer la tête des profs. Il en profite pour réunir trois idées de chansons qu’il avait en tête depuis un moment, mais dont le concept n’était pas suffisant pour en faire une musique complète. La première vient d’une sirène de police entendue dans la ville. La seconde d’une inspiration venue en méditant dans son jardin de Weybridge. La troisième parle d’être assis sur un corn-flake (au singulier). Tout ça n’a aucune cohérence, donc c’est parfait pour John. Effectivement il en résulte des paroles sans queue ni tête, d’où il est logiquement peu intéressant d’en étudier le sens. Par contre, ça reste marrant de raconter l’origine des paroles !
Les idées initiales de « I am the Walrus »
Je commence par le premier concept de sirène de police. On le retrouve dès les deux premiers vers. Si vous écoutez, l’intonation du chanteur est lancinante, comme la sirène :
« I am he as you are he as you are me and we are all together.
See how they run like pigs from a gun, see how they fly.
I’m crying »
« Je suis lui comme tu es lui comme tu es moi et nous sommes tous ensemble
Regarde comme ils courent comme des cochons devant un fusil, regarde comme ils volent.
Je pleure »
Ça n’a aucun sens, probablement parce que ça a été écrit sous LSD, « comme Bob Dylan ». En fait, Lennon trouvait que ses chansons avaient moins de sens que ce que les gens pensaient du coup il l’a imité pour sa chanson piège. On retrouve la police au troisième couplet :
« Mister City policeman sitting
Pretty little policemen in a row »
« Monsieur le policier de la ville est assis
Jolis petits policiers en rang »
Ensuite, il y a le jardin anglais. Lennon y bronze sous la pluie parce que pourquoi pas :
« Sitting in an English garden
Waiting for the sun
If the sun don’t come you get a tan
From standing in the English rain »
« Assis dans un jardin anglais attendant le soleil
Si le soleil ne vient pas tu bronzes
En attendant sous la pluie anglaise »
Enfin, le corn-flake est dit tel quel. Voilà, aucun effort, je suppose qu’il voulait juste parler d’un cornflake :
« Sitting on a cornflake waiting for the van to come
Corporation T-shirt, stupid bloody Tuesday »
« Assis sur un cornflake en attendant que le van arrive
Le t-shirt de la corporation, maudit stupide mardi »
Mince, faut remplir les couplets
Bon, c’est bien mais tout ça ne remplit toujours pas une chanson. Faut trouver des trucs à dire dans les autres couplets ! Alors, Lennon a demandé à son ami d’enfance Pete Shotton de donner des paroles que les enfants chantent entre eux. Il répond : “Yellow matter custard, green slop pie, All mixed together with a dead dog’s eye, Slap it on a butty, ten foot thick, Then wash it all down with a cup of cold sick”, ce que wikipédia a traduit par : « Crème anglaise jaune et gâteau à la pâtée vert, mélangés avec l’œil d’un chien mort, fais-en un sandwich de trois mètres d’épaisseur, et fais-le passer avec une tasse de vomi froid ».
Les enfants sont formidables. Lennon utilise donc ces paroles pour compléter celles de ses trois chansons initiales, et compléter sa création. Il prend tout de même le temps de prononcer une citation inspirante : « Voyons ce que ces connards trouveront là-dedans. ».
Et le Walrus, il est où ?
Traduit en français, c’est un morse, l’animal. Il est cité dans tous les refrains, juste après avoir crié d’être l’homme-œuf. Ça vient d’une chanson de Lewis Caroll nommée « Le Morse et le charpentier », dans le roman « De l’autre côté du miroir », c’est à dire la suite d’Alice au pays des merveilles. Là encore, pas la peine de réfléchir à une signification particulière : John n’avait pas du tout compris l’histoire avant d’écrire les paroles ! Par exemple, treize en plus tard, il a expliqué dans le magazine playboy qu’il n’avait rien compris au poème et à sa signification :
« Pour moi, c'était (Le Morse et le Charpentier) un magnifique poème. Ça ne m'était jamais venu à l'esprit que Lewis Carroll était en train de commenter le capitalisme et le système social. Je n'avais jamais essayé de comprendre ce que ça signifiait vraiment, comme les gens font avec le travail des Beatles. Plus tard, je suis revenu dessus et j'ai réalisé que le morse était le méchant dans l'histoire, et le charpentier était le gentil. Je me suis dit « Oh, merde, j'ai pris le mauvais gars. » J'aurais dû dire « Je suis le charpentier », mais ça n'aurait pas été la même chose n'est-ce pas ? Chanter I Am the Carpenter… »
John Lennon
Bref il n’en a rien à faire et ça me termine.
Je pense que le seul passage où John est sérieux dans ses paroles, c’est à la fin du refrain. Il chante « goo goo g’job » avec le même air qu’on a en parlant au toutou qui rapporte la baballe. J’imagine ça comme un message aux professeurs de musique, John se foutant alors clairement de leur gueule. Le résultat est tellement improbable que George Martin, le manager des Beatles a détesté la chanson. Il ne comprenait pas, il ne savait pas quoi en faire et avait peur d’une censure à la radio. Et avec raison, notamment à cause de ce passage et du mot knickers (culotte), alors que bon on a vu pire pourtant ?
« Crabalocker fishwife, pornographic priestess
Boy, you’ve been a naughty girl, you let your knickers down »
« Le casier à crabes de la poissonnière, la prêtresse pornographique
Garçon, tu as été un mauvaise fille tu as baissé ta culotte »
Après la sortie de « I am the walrus »
John ne s’arrête pas aussi vite, un an après la sortie, dans Glass Onion, il dit :
« Well here’s another clue for you all
The Walrus was Paul »
« Et bien voici un autre indice pour vous tous
Le Morse, c’était Paul ».
Paul c’est Paul McCartney évidemment, bassiste du groupe et peu à peu le nouveau leader lorsque John se met en retrait en rencontrant Yoko Ono, sa future femme. Enfin, après la séparation des Beatles et dans la chanson God de l’album solo :
« I was the Walrus but now I’m John »
« J’étais le Morse mais maintenant je suis John »
Que conclure de tout ça ? Pas grand chose, si ce n’est que John Lennon était marrant. Mais j’espère que ça vous donnera des anecdotes pour vos repas de famille !
En attendant, ✨ bonnes fêtes à tous ✨
Il y a évidemment plein d’autres choses à dire (sur la rythmique bordélique par exemple), je vous laisse lire ma source principale (en anglais) si vous en voulez plus.
Laisser un commentaire